Point mensuel – Avril 2024

Point mensuel – Avril 2024

Sommaire

1. Édito : bulle ou pas bulle ? telle est la question…

2. Macro : chiffres trop impressionnants ?

3. Allocation d’actifs : trop tôt pour s’inquiéter ?

Édito : bulle ou pas bulle ? telle est la question…

Les bulles financières sur les marchés boursiers sont des phénomènes fascinants qui attirent l’attention des investisseurs. Définies comme une augmentation rapide et souvent injustifiée du prix des actifs, les bulles sont suivies d’une chute tout aussi rapide lorsqu’elles « éclatent ». Encore faut il que cela soit une bulle et non un changement de paradigme qui justifierait le mouvement…

Identifier la présence d’une bulle financière peut être un défi majeur, car il n’existe pas de critère unique et infaillible pour le faire. Plusieurs signes peuvent toutefois suggérer qu’un marché est en situation de bulle : hausse rapide des prix, spéculation excessive, utilisation élevée de l’effet de levier ou déconnexion par rapport aux indicateurs fondamentaux.

La grande question pour les investisseurs est de savoir s’il faut participer à ces mouvements ou rester à l’écartPlus important encore, pour ceux qui choisissent de plonger, il est crucial de savoir comment et quand sortir avant que la bulle n’éclate.

La décision de participer à une bulle financière dépend de la tolérance au risque et de la stratégie d’investissement. Certains investisseurs sont attirés par les gains rapides et sont prêts à assumer des risques élevés, tandis que d’autres préfèrent une approche plus conservatrice, évitant les situations où la perte potentielle pourrait être importante. Par expérience, le réel enjeu est évidement la durée de la période qui peut s’avérer plus ou moins longue. Le FOMO, ou « Fear Of Missing Out » est un phénomène psychologique et comportemental particulièrement présent dans les marchés financiers. Il décrit l’anxiété ou l’inquiétude de passer à côté d’une opportunité potentiellement lucrative, souvent alimentée par des témoignages de succès d’autres investisseurs ou par une forte volatilité du marché indiquant des gains rapides. Sur les marchés financiers, le FOMO peut conduire les investisseurs à prendre des décisions précipitées, en achetant des actifs sans une analyse fondamentale solide ou en suivant la masse sans considérer leur stratégie d’investissement personnelle. Ce comportement peut être exacerbé par les réseaux sociaux et les plateformes de trading en ligne, où les réussites sont largement partagées, tandis que les pertes sont souvent minimisées ou ignorées.

La clé pour profiter d’une bulle financière est de savoir quand en sortir. Quelques stratégies que les investisseurs peuvent envisager : fixer des objectifs de prix, suivre des indicateurs techniques ou encore utiliser des Stops Loss. Cependant, pendant les périodes de forte volatilité, les stops loss peuvent également être déclenchés par des mouvements de prix temporaires, entraînant une sortie prématurée voir des allers retours néfastes.

Bien que cela soit plus une stratégie de gestion du risque qu’une stratégie de sortie, la diversification peut aider à limiter les pertes lorsque une bulle éclate et amoindrir le risque que la chute d’un seul investissement ait un impact démesuré sur votre portefeuille global.

Il est important de noter que tous les marchés haussiers ou les périodes de forte croissance des prix ne sont pas des bulles. Certaines situations peuvent présenter des caractéristiques similaires à celles d’une bulle sans en être une. Les avancées technologiques peuvent entraîner une revalorisation rapide et légitime des entreprises dans des secteurs en croissance. Ces hausses de prix peuvent sembler excessives, mais elles peuvent être justifiées par les perspectives de croissance à long terme. 

Les modifications dans les politiques monétaires, les préférences des consommateurs, ou les conditions économiques globales peuvent entraîner des changements structurels dans certains secteurs ou marchés, justifiant ainsi une hausse des prix. La distinction entre une véritable bulle financière et une hausse des prix justifiée par des fondamentaux ou des changements structurels est cruciale. Prendre des décisions basées sur une mauvaise interprétation des signaux du marché peut conduire à des pertes substantielles ou à manquer des opportunités de gains.

Examiner comment les situations actuelles se comparent à des bulles financières historiques peut fournir des perspectives. Bien que chaque bulle ait ses propres caractéristiques, des parallèles avec le passé peuvent offrir des indices sur le comportement du marché. Il faut évaluer si la croissance des prix est soutenue par des fondamentaux solides, tels que la croissance des revenus, l’innovation, et l’expansion du marché, ou si elle repose principalement sur des spéculations et un optimisme excessif.

Les bulles financières sont des phénomènes récurrents dans l’histoire des marchés financiers, avec plusieurs exemples notables qui ont eu un impact profond sur l’économie mondiale :

· La Bulle des Tulipes (1637) : bien que ne concernant pas directement les actions, la bulle des tulipes est souvent citée comme la première bulle spéculative documentée de l’histoire. Aux Pays-Bas, le prix des bulbes de tulipes atteignit des sommets irrationnels avant de s’effondrer brusquement.

· Le Krach de 1929 : la grande dépression qui a suivi le krach boursier est un exemple classique d’une bulle financière. Les prix des actions avaient grimpé à des niveaux insoutenables dans les années 1920, conduisant à un effondrement catastrophique qui a plongé le monde dans une décennie de récession.

Cours du Dow Jones Industrial 1926-1931

Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu

· La Bulle Internet (2000) : aussi appelée la bulle des dot-com, elle a vu les valeurs des entreprises liées à Internet s’envoler sans justification fondamentale solide, pour ensuite s’effondrer, entrainant une récession dans le secteur de la technologie.

Cours du Nasdaq 1998-2001

Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu

Il existe également des situations ressemblant à des Bulles mais qui n’en étaient pas nécessairement :

· La reprise des Marchés après la crise financière de 2008 : après le krach de 2008, les marchés financiers ont connu une longue période de croissance soutenue, en partie grâce aux politiques monétaires accommodantes des banques centrales. Bien que certains aient craint une bulle, cette croissance était largement soutenue par l’amélioration des fondamentaux économiques et des bénéfices des entreprises.

· Le marché technologique pendant la Pandémie de COVID-19 : durant la pandémie, les fondamentaux économiques et les indicateurs de performance des entreprises jouent un rôle crucial. Les bulles financières se caractérisent par des valorisations qui ne peuvent être justifiées par des données économiques concrètes, tandis que les hausses de prix soutenues par des améliorations tangibles dans les revenus, les bénéfices, ou les perspectives d’un secteur reflètent une croissance légitime.

Marges des entreprises US versus S&P 500

Il est essentiel de se souvenir que même avec une analyse approfondie, prédire avec précision le moment où une bulle va éclater reste extrêmement difficile. Les marchés peuvent rester irrationnels plus longtemps. 

L’essor de l’intelligence artificielle a captivé l’attention au cours des dernières années. Avec des avancées significatives dans des domaines tels que l’apprentissage automatique, le traitement du langage naturel et la robotique, les entreprises opérant dans l’espace de l’IA ont vu leur valorisation augmenter. Cela a conduit à des discussions sur la possibilité d’une bulle financière.

· De nombreux arguments suggèrent une Bulle

Certaines entreprises d’IA ont atteint des valorisations élevées, parfois basées davantage sur le potentiel futur perçu que sur les résultats financiers actuels. L’IA est souvent présentée comme une technologie révolutionnaire, ce qui peut inciter à la spéculation et à l’investissement basé sur la peur de rater une opportunité (FOMO), plutôt que sur une analyse fondamentale solide. De plus, elle bénéficie d’une couverture médiatique considérable, qui peut parfois amplifier l’enthousiasme et la spéculation sans une compréhension complète des limites technologiques actuelles ou des défis à surmonter.

Couverture du Time magazine septembre 2023

· Cependant des arguments modèrent largement cette théorie

Contrairement à d’autres bulles, les progrès dans le domaine de l’IA sont tangibles, rentables et ont des applications pratiques qui transforment déjà divers secteurs, tels que la santé, la finance, la fabrication, et le divertissement. Cela suggère que l’enthousiasme autour de l’IA peut être fondé sur des avancées technologiques réelles et non uniquement sur de la spéculation.

L’IA a le potentiel de continuer à croître et à se développer, offrant de nouvelles opportunités commerciales et des gains d’efficacité. Cela indique que, bien que certaines entreprises puissent être surévaluées à court terme, la thématique dans son ensemble a un potentiel de croissance significatif. Il est également important de reconnaître que l’IA représente une avancée technologique majeure avec un potentiel d’application quasi illimité dans presque tous les secteurs de l’économie.

L’adoption de l’IA par les entreprises et les consommateurs continue de s’accélérer, ce qui alimente la croissance du secteur. Cette adoption généralisée est un signe que l’IA offre une valeur réelle, contrairement aux bulles passées où l’éclatement a révélé un manque de substance sous-jacente.

Les progrès réalisés dans le domaine de l’IA et son intégration croissante dans les produits et services quotidiens suggèrent que, contrairement aux bulles traditionnelles, il y a une base solide de croissance et d’innovation soutenant l’intérêt pour l’IA.

Les investissements dans l’IA ne proviennent pas seulement de spéculateurs, mais aussi d’acteurs institutionnels majeurs, y compris des gouvernements, des universités et des entreprises de premier plan dans divers secteurs, qui reconnaissent le potentiel transformationnel de l’IA. Ces investissements sont souvent stratégiques, visant à intégrer l’IA dans des processus opérationnels, des produits, et des services, ce qui indique une approche à long terme.

La comparaison entre l’essor de l’internet dans les années 1990 et 2000 et le développement actuel de l’intelligence artificielle révèle des parallèles intéressants, tant sur le plan sociétal que financier. Ces deux technologies ont provoqué d’importantes vagues d’innovation, transformant les entreprises, l’économie, et la société dans leur ensemble.

Tout comme l’internet a révolutionné la manière dont nous communiquons, travaillons et faisons des affaires, l’IA est en train de transformer une multitude de secteurs, en rendant les processus plus intelligents, plus efficaces et plus personnalisés. Dans les deux cas, l’enthousiasme initial a conduit à des valorisations élevées pour les entreprises associées à la technologie, certaines basées davantage sur les attentes futures que sur les performances actuelles. L’internet et l’IA ont tous deux connu des progrès technologiques rapides, avec de nouvelles applications et services émergeant à un rythme accéléré, changeant souvent la donne dans divers domaines et créant de nouvelles opportunités économiques.

Cependant, il y a aussi des différences clés entre ces deux périodes qui méritent d’être examinées.

La bulle Internet des années 2000 était caractérisée par une spéculation extrême sur les entreprises dot-com, dont beaucoup n’avaient pas de modèle d’affaires viable ou de revenus significatifs. En revanche, bien que l’IA suscite également une forte spéculation, elle est déjà intégrée dans de nombreux processus et produits existants, démontrant son utilité et sa valeur ajoutée. l’IA bénéficie des leçons apprises lors de l’éclatement de la bulle Internet, notamment l’importance des fondamentaux solides et d’une intégration pratique dans l’économie réelle. De plus, les technologies d’IA sont souvent développées et déployées par des entreprises établies et rentables, autant que par des startups innovantes.

Les valorisations n’ont pas atteint les niveaux excessifs des années 2000.

Dans le cas de Nvidia, la hausse du cours a été en regard des résultats de la Société. En terme de valorisation malgré une hausse de plus de 238% sur 2004, les multiples de valorisation sont restés stables, reflétant une très forte attente au niveau des fondamentaux, justifiée par les dernières annonces des résultats de l’entreprise.

Nvidia : prix et Price earning

Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu

Alors qu’internet a principalement transformé l’information, la communication et le commerce, l’IA a un champ d’application encore plus large. L’adoption d’internet a suivi un chemin relativement linéaire, de l’innovation à la commercialisation et à l’usage généralisé. L’IA, en revanche, évolue à travers des cycles d’innovation plus complexes, avec des avancées en matière d’apprentissage machine, de traitement du langage naturel, et de robotique s’intégrant progressivement dans les produits et services existants.

Bien que la situation actuelle autour de l’IA partage certaines caractéristiques avec l’ère de l’internet au début des années 2000,  il existe des distinctions importantes qui suggèrent que l’histoire ne se répètera pas nécessairement de la même manière. 

L’expérience acquise depuis l’éclatement de la bulle Internet a également conduit à une approche plus nuancée de l’investissement dans les technologies émergentes, avec une attention accrue portée aux modèles d’affaires viables, à la création de valeur réelle, et à l’innovation durable.

Les grandes valeurs Internet telles que Cisco System et Intel n’avaient pas été en mesure de répondre aux attentes du marché en ce qui concerne le taux de croissance des bénéfices. Ces déceptions avaient entraîné une forte baisse du cours boursier de ces valeurs.

Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de risque de surévaluation ou de correction de marché, mais plutôt que les investisseurs, les entreprises et les régulateurs sont peut-être mieux équipés pour naviguer dans les complexités de cette nouvelle ère technologique. L’IA est susceptible de continuer à progresser et à s’intégrer dans le tissu de l’économie mondiale, malgré les fluctuations inévitables du marché et les défis en cours.

Historiquement, la capacité à identifier une bulle financière en temps réel a souvent échappé même aux observateurs les plus aguerris, principalement parce que la véritable nature d’une bulle ne devient claire qu’avec le recul. Ce n’est généralement qu’après qu’une bulle a éclaté, ou lorsque les fondamentaux économiques ont finalement justifié les valorisations initialement considérées comme exagérées, que l’on peut évaluer correctement la situation. La première leçon à tirer de cet état de fait est l’importance de l’humilité dans l’analyse financière. Prédire l’avenir des marchés, surtout dans des domaines aussi volatils et innovants que l’IA, exige de reconnaître l’étendue de notre ignorance. Les marchés financiers sont influencés par une myriade de facteurs, y compris les comportements humains, les politiques gouvernementales, les changements technologiques, et les événements mondiaux imprévus, rendant les prédictions extrêmement difficiles. Nous pensons que le cas de l’Intelligence artificielle n’est pas une bulle au sens théorique mais un véritable changement de paradigme qui permettra aux entreprises d’accroitre leur productivité.

La concentration extrême fait peser un risque de baisse important pour l’indice S&P 500.

Cette complexité souligne la nécessité d’approcher l’investissement et l’analyse de marché avec une certaine réserve et une ouverture d’esprit quant aux différents scénarios possibles.

Point macro : Chiffres trop impressionnants ?

Macro US

Jerome Powell a eu des commentaires positifs sur la macroéconomie, indiquant que l’accélération de la croissance ne s’était pas accompagnée d’une baisse simultanée du chômage ni d’une réaccélération de l’inflation. Malgré ses prévisions plus optimistes sur la croissance, la Fed pense que la tendance désinflationniste se poursuit. Cependant, les derniers chiffres de l’inflation sèment le doute et certains membres du FOMC pourraient prendre plus de poids dans le débat. Nous tablons désormais sur 2, voire 3 baisses de taux maximum. Les premières baisses des taux interviendraient cet été. Il est possible que la Fed attende au moins jusqu’en décembre ou janvier 2025 pour la troisième baisse. Elle devrait ralentir la réduction de son bilan à partir du mois de mai.

Taux Fed et anticipations sur les marchés des futures

Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu

Les prochaines élections américaines signifient que la Fed est confrontée à « des dilemmes plus grands que ceux de la BCE ». Si la Fed attend trop, et coupe les taux juste avant l’élection (septembre), elle peut être accusée d’aider l’administration actuelle. Si elle ne coupe pas les taux jusqu’à l’élection, attendant que l’inflation baisse davantage, elle peut être accusée d’aider la campagne de Trump.

Les indicateurs économiques restent bien orientés. Nous pensons que la croissance américaine devrait ralentir tout au long de l’année du fait d’une consommation des ménages dont la confiance s’amoindrit. Le risque de récession devrait se matérialiser en 2025 et pousser la Fed à baisser les taux de manière plus marquée l’année prochaine (4 baisses).

Macro EUROPE

La BCE devrait réduire son taux de dépôt de 25 points de base en juin et juillet si elle souhaite se donner du temps pendant l’été sans susciter immédiatement des spéculations sur le calendrier des assouplissements futurs. Ces 50 points de base justifieraient une attitude d’attente et d’observation pendant quelques mois avant le prochain mouvement.

Tweet de la BCE

Sources : X, ECB Podcast (cliquez ici)

Contrairement à la Fed, la BCE n’aurait aucune raison de ne pas couper en juin si ses nouvelles projections confirment la prévision de mars pour une inflation à 2% en 2025 et en dessous de 2% en 2026, basée sur une courbe des rendements intégrant une réduction des taux du marché dans les mois à venir.

Taux BCE et Inflation

Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu

Maintenir les taux plus longtemps impliquerait une politique monétaire plus stricte au fur et à mesure que l’inflation baisse, dans une optique d’une croissance qui commence juste à se reprendre comme l’indiquent les récents indicateurs avancés. La BCE est susceptible de rester dépendante des données, même au risque de prendre du retard sur l’assouplissement. Si l’économie se redresse réellement au second semestre de cette année et que l’inflation reste autour de 2%, il pourrait y avoir peu de marge de manœuvre pour réduire les taux en dessous de 3% en 2025. Le PMI composite a surpris à la hausse en mars à 49,9 signalant une quasi-stagnation de l’activité dans la zone (49,2 en février) après 9 mois de contraction !

PMI de la Zone EURO

Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu

Macro EMERGENTS

La Chine a annoncé avoir déposé une plainte contre les États-Unis auprès de l’OMC. Les relations sino-américaines continuent de se dégrader, et cela risque de s’amplifier à l’approche des élections présidentielles américaines. Même si les autorités annoncent une baisse historique du taux de référence pour les crédits immobiliers, cette dernière ne devrait avoir qu’un effet relativement limité alors que la faiblesse de la demande est avant tout le reflet d’une perte de confiance. L’assouplissement des conditions de crédit pourrait néanmoins peser sur les banques qui restent fortement sollicitées par les autorités pour soutenir le secteur immobilier ainsi que la devise chinoise. Cette annonce illustre néanmoins la volonté des autorités chinoises d’afficher un soutien continu à l’immobilier via des actions qui restent ciblées mais plus résolues.

Eléments explicatifs de la croissance chinoise

Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu

Pékin semble ici toujours privilégier une stabilisation plutôt qu’une relance de grande ampleur, un plan à destination des ménages n’étant toujours pas à l’ordre du jour. La production industrielle est repartie de l’avant en février, tout comme l’investissement, en particulier dans le secteur manufacturier. Toutefois, signe d’une économie confrontée à une dégradation de la confiance de ses ménages, les ventes au détail sont restées faibles et ont ralenti malgré le Nouvel An. Si le secteur industriel tire parti des politiques de soutien menées par Pékin, il faut souligner que la consommation ne semble pas bénéficier de la même attention de la part des autorités. La croissance chinoise restera bien plus faible que par le passé et il faudrait mettre en œuvre de nouveaux plans de relance d’ampleur avec des effets francs sur la demande domestique des ménages afin d’atteindre l’objectif annoncé « autour de 5% » (ce qui nous semble peu probable). Les fragilités structurelles pèseront sur la dynamique de croissance chinoise, laquelle sera plus limitée que par le passé (+4,2% de croissance attendue en 2024).

L’activité commerciale de l’Inde a clôturé cette année fiscale sur une note élevée,s’étendant au rythme le plus rapide en huit mois en mars, selon une enquête commerciale, suggérant que le pays resterait la plus grande économie à croissance rapide. L’indice composite des directeurs d’achat (PMI) de HSBC pour l’Inde, compilé par S&P Global, a grimpé à 61,3 ce mois-ci contre 60,6 en février, prolongeant ainsi la séquence d’activité en expansion à 32 mois. Conduite par la production manufacturière la plus forte en près de trois ans et demi, l’indice de production composite a rapidement augmenté. Cependant, les pressions sur les prix globaux ont augmenté ce mois-ci. L’économie indienne montre des signes de vigueur remarquables, portée par un secteur manufacturier dynamique et une demande robuste tant au niveau national qu’international. Toutefois, les défis liés aux pressions inflationnistes nécessitent une surveillance continue pour guider les politiques monétaires futures.

PMI indien

Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu

Allocation d’actifs: Trop tôt pour s’inquiéter ?

ACTIONS

Nous conservons pour le moment notre positionnement neutre sur les actions. Nous restons dans la même optique que le mois dernier : « Nous considérons qu’il convient de se laisser porter par la dynamique haussière des marchés d’actions, et qu’il est logique de tabler sur un rattrapage de la thématique « cyclique » qui est en retard. » La baisse à venir des taux réels nous semble déjà largement intégrée par les marchés d’actions. Le potentiel de hausse est réduit. Les indices émergents, en retard, pourraient désormais évoluer de pair avec leurs homologues au niveau mondial. 

Principaux indices actions depuis le 1er novembre

Sources : Bloomberg, MSCI, Groupe Richelieu

La phase de rebond continue et les marchés d’actions restent sur une tendance positive depuis le discours de Jerome Powell du 1er novembre 2023, marquant la fin d’une politique monétaire agressive pour combattre l’inflation. Les catalyseurs d’une correction ne sont pas encore présents, même si des doutes apparaissent concernant l’inflation et certaines valorisations aux États-Unis.

La prime de risque actions pour les marchés développés est très précisément en ligne avec la moyenne historique depuis 1990 (à 4.1% vs moyenne à 4.2%) ce qui implique que les marchés actions sont bien valorisés par rapport aux marchés obligataires dans le contexte actuel.

Prime de risque sur les marchés actions développés

Source : Socgen

Le thème d’une désinflation régulière, offrant des marges de manœuvre à la Fed pour des baisses de taux rapides, prend fin. Aux États-Unis, les trois indices phares ont été au-dessus de leur moyenne mobile de 50 jours pendant 19 semaines, plus longtemps que toutes sauf trois brèves périodes au cours des 20 dernières années (début 2011, début 2014, début 2018), avec des retours moyens sur 3 mois négatifs après ces périodes, ce qui pourrait fragiliser le momentum à la veille des premières baisses de taux. De plus, la concentration du marché reste à un niveau historique, ce qui en même temps fragilise potentiellement le marché en le connectant directement à des thématiques spécifiques (IA). Les indicateurs économiques avancés montre une bonne dynamique du secteur manufacturier (versus des services qui stagnent) ce qui devrait amener le secteur industriel à surperformer.

Indicateur PMI US

Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu

Le marché baisse généralement après les premières baisses de taux, ce qui laisse un peu de temps pour une correction importante, mais plus nous nous approcherons des débats sur l’élection présidentielle, plus la volatilité va s’accroître.  

En zone euro, l’histoire est bien différente. La croissance économique se redresse à peine et la BCE devra être bien plus accommodante. La véritable histoire reste pour l’instant un processus désinflationniste qui n’est pas remis en cause, grâce, il est vrai, à une croissance très « mesurée ». Autre bonne nouvelle : les salaires négociés en zone euro ont progressé de 4,5% en glissement annuel au quatrième trimestre 2023, ce qui serait légèrement moins qu’au trimestre précédent (4,7%) et qui tendrait à montrer que le pic de progression des salaires est désormais derrière nous. L’indicateur des coûts horaires de la main-d’œuvre ralentit nettement.

Zone euro : évolution des salaires négociés, salaire horaire et Zone euro

Tant que les prix de l’énergie (gaz et pétrole) ne montrent pas des signes de reprise forte, le risque semble circonscrit. Les BPA pour 2024 n’ont pas encore été relevés pour prendre en considération cette dynamique. Les multiples de valorisations devraient progresser au fur et à mesure, surtout si les banques centrales entrent dans un réel cycle de baisse des taux et au regard de la décote historique de l’Europe par rapport aux États-Unis. Nous privilégions les valeurs cycliques et le secteur financier, qui profite largement de la hausse de la profitabilité et d’un assainissement du bilan des banques. Le risque politique reste mesuré pour le moment. Nous restons positifs sur la zone que nous continuons de surpondérer.

Gaz naturel et pétrole en Europe

Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu

Au Royaume-Uni, la stagflation prend tout son sens. Une croissance économique atone et une inflation plus en adéquation avec celle des États-Unis que de la zone euro est une quadrature difficile à résoudre. Parvenir à contenir l’inflation s’annonce plus compliqué outre-Manche, ce qui obligera la Banque d’Angleterre à se montrer plus longtemps restrictive que ses consœurs européenne et américaine. Ceci continuera de maintenir la devise à un niveau élevé, malgré des problématiques structurelles toujours sensibles.

TAUX SOUVERAINS

Aux États-Unis, notre cible en fin d’année sur le 10 ans US est de 3.80 %, prenant en compte le ralentissement de l’économie en fin d’année. Le 2 ans devrait se caler sur des niveaux identiques, signifiant la fin de la période de courbe inversée. La réduction du resserrement de la politique monétaire de la Fed devrait permettre d’éviter une pression trop importante sur les taux souverains.

Taux 10 ans

Sources : Groupe Richelieu, Bloomberg

En zone euro, les écarts (spreads) entre les pays ont continué de se réduire alors que la logique des « flux » acheteurs et les anticipations de baisses des taux directeurs semblent toujours l’emporter sur la réduction de la taille du bilan de la BCE. Le potentiel de baisse additionnelle est toutefois limité, en particulier en Italie, du fait des défis sur les finances publiques en 2024 et au-delà. Nous restons moins à l’aise en Europe qu’aux Etats-Unis. Les taux souverains US pourraient profiter de crainte de récession en fin d’année alors que les taux Euro pourraient être impactés par les dérives budgétaire et des craintes de downgrades des agences de notations. Les pays émergents présentent de meilleures opportunités.

Source : X

CRÉDIT

Les marchés obligataires corporate Investment Grade et High Yield présentent de l’intérêt malgré des spreads compressés pour ces derniers, les rendements étant attractifs en amont de la baisse des taux principalement sur l’Europe (allongement de la duration). 

Sur l’Investment Grade US, les rendements sont en hausse depuis début 2024. Nous anticipons désormais une baisse des taux aux États-Unis. Le ralentissement attendu de la croissance économique se matérialise, certes, mais restera contenu sans récession. Les spreads IG restent supérieurs à leur plus bas historique, à l’exception du AA. Nous préférons nous positionner sur des zones BBB. La résilience de l’économie américaine a permis aux spreads HY de se resserrer début 2024, les obligations CCC étant plus volatiles. Le scénario d’une Fed qui déçoit le marché quant à sa politique monétaire devrait permettre à la modération du QT à partir de mai de profiter uniquement aux titres souverains. À l’inverse, le maintien de taux plus hauts que prévu devrait fragiliser les segments les plus fragiles. Le risque de récession devrait se matérialiser en fin d’année. Nous restons prudents sur le HY US.

Spreads de crédit

Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu

Sur l’Investment Grade EURO, les rendements sont en hausse d’environ 10 pb depuis début 2024 sur fond de remontée des taux. Les spreads devraient désormais évoluer en latéral par rapport aux niveaux actuels. Le point bas de croissance est atteint, voire dépassé en Europe, le ralentissement attendu aux États-Unis se matérialise mais restera contenu. Les spreads IG restent larges par rapport à leurs points bas historiques, intégrant la faiblesse de la croissance en Europe ainsi que le retrait programmé de la BCE. Un risque de crédit globalement bien rémunéré par le rendement. Les moindres craintes quant au risque de récession en zone euro ont permis aux spreads des obligations notées B et BB de continuer de se resserrer, vers des points bas sur ce dernier segment. L’attrition du segment HY alimente par ailleurs le déséquilibre offre/demande, alors que la liquidité reste très importante. Nos anticipations de croissance ne réduisent pas à néant le risque de voir les taux de défaut progresser, en particulier pour les obligations en catégorie HY. Le risque sur le CCC demeure élevé, en lien notamment avec le sujet du refinancement qui va s’amplifier. L’abondance de liquidités chez les investisseurs, combinée à une baisse de la volatilité sur les taux, profite au marché primaire en 2024. Malgré le rallye obligataire de fin d’année, les investisseurs continuent de déployer leur cash sur les opérations primaires, les niveaux absolus de rendements restants attractifs, d’autant qu’ils devraient continuer à séduire.  Les crédits bancaires continuent à profiter de qualité des bilans et l’épisode Crédit suisse est dorénavant largement derrière nous. Nous continuons à privilégier les obligations Hybrides et subordonnées de bonne qualité. 

PÉTROLE

Les efforts de l’OPEP ont payé mais les pays voudront bientôt en récolter les fruits. Longtemps sous pression en raison de la perte de crédibilité de l’OPEP+, le Brent a réussi à remonter à la faveur d’une demande de pétrole bien plus solide qu’anticipée par les investisseurs mais aussi grâce à la poursuite des efforts de coupes de production des membres du cartel. Les dernières ont d’ailleurs été prolongées jusqu’à la fin du T2, avec un effort additionnel de la Russie, mais le retour du Brent à des niveaux plus élevés devrait désormais inciter les pays à discuter d’une hausse de la production, probablement à la réunion de juin. Nous tablons sur un pétrole au-dessus de 80 USD. Les valeurs pétrolières devraient profiter de cet environnement.  La productivité des entreprises US depuis plusieurs années s’est largement améliorée du fait des différentes crises.  Le graphique ci-dessous présentant le nombre de puits de pétrole compte tenu de la production le démontre simplement.

Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu

TABLEAU D’ALLOCATION D’ACTIFS


Synthèse Stratégie Groupe Richelieu – Auteur

Alexandre HEZEZ
Stratégiste Groupe


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Les données de marché sont issues de sources Bloomberg.